CBD : le marché aux deux visages

Article du Quotidien du Pharmacien – Jeudi 14 Mars

Rédigé par Anne Sophie Pichard

Tendances & marchés

Contribuant au dynamisme de ce jeune marché, une dérogation réglementaire bénéficie depuis 2023 aux compléments alimentaires à base de CBD.

Le leader à la loupe

Composée de formes par voie orale et topique, la gamme Granions CBD d’EA Pharma domine le marché des produits à base de CBD en pharmacie. Son dernier lancement, des comprimés CBD sans THC, fait l’objet d’un solide soutien à l’officine : présentoirs et stickers de comptoir, flyers, posters et meubles de sol accompagnés d’une campagne de communication dans la presse, d’un webinar mensuel et de sessions de formation.

Parts de marché des principaux leaders*

EA Pharma : 25,6%

CIDS France : 14%

Cooper : 8%

Pharma SGP : 7,7%

Boiron : 7,5%

Autres : 37,5%

*En valeur, CMA à janvier 2024 (source IQVIA Pharmastat)

Le marché des produits à base de CBD*

  • 392 311 unités vendues +42,1%

  • 9 686 605 euros +24,7%

*Pharmacies, CMA à janvier 2024 (source IQVIA Pharmastat)

59% des français âgés de 30 à 50 ans considèrent le CBD comme une réelle solution de santé.

Représentant 85% des ventes les formes liquides dominent le marché. (Étude Consommateurs on line sur le CBD, Expansion Consulteam, janvier 2021).

Moins spectaculaires qu’à leur début mais toujours dynamiques, les ventes de produits à base de CBD peuvent compter sur de multiples leviers, aux premiers rangs desquels figurent l’accessibilité de leurs formes et l’attente aiguë que suscitent leurs effets.

A peine trois ans auront suffi pour qu’une offre en produits à base de CBD (cannabidiol) émerge à l’officine et constitue un marché dynamique, en hausse de 42 % en volume (source IQVIA Pharmastat). Cannabinoïde non psychotrope, présent dans le chanvre (cannabis) aux côtés d’autres cannabinoïdes (cannabigérol, cannabinol…), le CBD n’entraîne pas de dépendance et aurait des propriétés anti-inflammatoires, anxiolytiques, antalgiques… Il appartient aux quelques 500 éléments chimiques qui composent le cannabis et qui incluent notamment le tétrahydrocannabinol (THC) — classé parmi les stupéfiants — mais aussi les terpènes et les flavonoïdes potentiellement antalgiques, anti-inflammatoires, antioxydants et neuroprotecteurs.

Le marché des produits à base de CBD abrite des formes très diverses, liquides et sèches, qui se destinent à soulager les petites douleurs chroniques (articulaires, musculaires, maux de tête, maux de ventre…), les troubles émotionnels (stress, anxiété) et les troubles du sommeil.

Le marché des produits à base de CBD abrite des formes très diverses, qui se destinent à soulager les petites douleurs chroniques, les troubles émotionnels et les troubles du sommeil.

L’alimentaire en proue

Si l’huile, sublinguale ou en massage, est la forme historique et la plus représentée dans l’offre, d’autres galéniques — comprimés, gélules, sprays, gummies — se développent, tout particulièrement sur le segment des présentations sèches. Et la dernière décision réglementaire concernant le statut alimentaire (Novel Food) des produits à base de CBD pourrait favoriser cette tendance. « Si leur autorisation de mise sur le marché est toujours dans l’attente d’une décision de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), ces produits peuvent, depuis février 2023 et grâce à la Direction Générale de l’Alimentation, être commercialisés, sous certaines conditions, sur simple déclaration en ligne », précise Jean-Noël Perin, pharmacien responsable au sein du laboratoire des Granions. « Ceci explique l’élargissement des gammes en pharmacie qui peuvent développer leurs produits sous un statut alimentaire et plus seulement cosmétique. » Dans cette logique, EA Pharma lance trois compléments alimentaires Granions au CBD (Sommeil, Anti-stress, Apaisant), des formules sans THC intégrant plantes, vitamines et oligo-éléments. « L’absence de THC dans les com- positions est un enjeu quand on sait que même un dosage à 0,3 % présente un risque de test positif au cannabis en cas de contrôle routier. » D’autres l’ont précédé sur le segment de la nutrithérapie comme Arkopharma (Argogélules Cannabis Sativa) qui a récemment présenté, dans la gamme Arkorelax (spray SOS Stress, comprimés Cannabis Sativa), des mini-comprimés CBD Flexi doses (sans THC) dédiés à la gestion du stress.

De nombreuses références sont également présentes sur le segment des topiques. Elles se consacrent principalement à soulager les gênes musculaires et articulaires comme la crème Arnican massage CBD (Cooper), le gel rafraîchissant Kamol CBD (Pharma SGP), la crème de massage Urgo CBD + (Urgo Healthcare), le gel CBD Biocyte, Chondro-Aid Flash roll-on et crème (Arkopharma), les roll-on et gel crème confort Granions CBD, mais aussi les soins CBD by Boiron (gel crème, gel, gel roll- on) aux molécules encapsulées lancés en septembre 2023…

Circuit de référence

Les formes liquides restent cependant majoritaires sur le marché, occupant 85 % des ventes selon Jean-Noël Perin. On les trouve, notamment, dans des gammes comme celles de Granions CBD sous forme d’huiles sublinguales (5 %, 10 %, 20 %) et d’huiles de massage (30 % et 40 %), Remedeus Origin (Compagnie Française du Chanvre), Dr Smith (Laboratoires Leadersanté), Noto (Ozen) ou Stilla (sublinguales et topiques) qui souligne l’intérêt des formules full spectrum : « Le spectre complet permet d’utiliser tous les principes actifs de la plante pour une efficacité maximale sans l’inconvénient du THC qui reste à l’état de trace (moins de 0,06 %) dans nos formules », précise Marie Alberto, pharmacienne chez G2S Santé, distributeur de Stilla (CIDS France). Ces informations doivent être apportées aux patients par le pharmacien qui a un rôle important de conseil et de formation à l’utilisation de ces produits. « Une grande part du public connaît les propriétés du CBD et 8 % des patients de plus de 65 ans en consomment pour cause de douleur, stress ou troubles du sommeil. Ils le font souvent sans consulter leur médecin alors qu’il existe des interactions avec certains traitements. Par ailleurs, il faut que le public fasse bien la différence entre nos solutions naturelles au large éventail d’activité et le cannabis thérapeutique qui fait actuellement l’objet d’une expérimentation. » Une mission taillée pour l’officine qui apparaît comme le réseau conseil de référence au sein d’une filière où se multiplient les circuits, GMS (boissons, cosmétiques, infusions au CBD), magasins bio, parapharmacies, CBD shops, magasins de vape, vente en ligne… Les quelques 2 000 marques qui s’y côtoient offrent un paysage très concurrentiel dont le potentiel est confirmé par les ventes du marché national que l’UIVEC (Union des industriels pour la valorisation des extraits du chanvre) situe entre 200 et 220 millions d’euros en 2023 (150 à 180 millions en 2022) pour les produits à base de CBD aux statuts alimentaire et cosmétique (hors fleurs à fumer).

Les conseils de l’expert René Maarek

Où en est la législation sur les produits à base de CBD ?

René Maarek, Addictologue, président UPRP-USPO d’Île-de-France.

Aujourd’hui, toutes les parties du chanvre peuvent être commercialisées à condition que le produit fini contienne moins de 0,3 % de THC (tétrahydrocannabinol classé parmi les stupéfiants). Les produits per os sont toujours en attente d’un statut « novel food » (nouveau complément alimentaire) mais bénéficient de mesures provisoires — de la direction générale de l’Alimentation — qui permettent de sécuriser leur délivrance : le composant végétal doit être d’origine Bio (sans pesticides, ni métaux lourds), extrait selon des procédés de qualité pharmaceutique, limité à 50 mg dans sa dose journalière (pas plus de 1 μg/kg de poids corporel pour le THC) et ne doit pas afficher d’allégation nutritionnelle, de santé ou thérapeutique sur son emballage. Les produits au statut cosmétique ont l’obligation légale de n’utiliser que l’isolat de CBD et pas le broad spectrum (l’ensemble des molécules sauf le THC) de la plante.

Comment conseiller ces produits au comptoir ?

On conseillera ces produits en fonction du type de troubles que ressent le patient. En cas de douleurs musculaires, inflammatoires (…), on proposera de masser la zone à l’aide d’une huile, crème, gel ou roll-on. En cas de stress, d’insomnies, on conseillera une forme à avaler à base de CBD (huile sublinguale, comprimés, gélule, spray, gummies ou tisane) qui sera mieux absorbée en prise conjointe avec un aliment gras, le CBD étant lipophile. Commencez par un faible dosage équivalant à 0,75 mg/kg de CBD à répartir en trois prises dans la journée — soit 45 mg par jour pour une personne pesant 60 kg — sachant que les marques précisent le ratio gouttes/mg de principe actif. Il faut ensuite attendre, environ 15 jours, que le système endocannabinoïde de la personne réponde. En effet, un déséquilibre des fonctions physio- logiques — troubles du sommeil, de l’anxiété, problèmes inflammatoires — peut résulter d’une production insuffisante d’endocannabinoïdes, des substances naturelles qui inter- viennent dans différents processus du corps (appétit, équilibre, immunité, formation des os, du cerveau…). Pour les remplacer, on utilise les phytocannabinoïdes qui vont aider à restaurer ces fonctions naturelles.

Quels sont les effets indésirables et les contre-indications pour ces produits ?

Les effets indésirables (somnolence) sont très rares et les risques de surdosage nuls car les récepteurs relarguent l’actif restant au bout de 6 à 8 heures. En revanche, les produits à base de CBD sont contre-indiqués aux moins de 12 ans, en cas de grossesse, d’allaitement, d’antécédents psychiatriques, d’insuffisance rénale, hépatique ou cardiaque grave. Ils ne doivent pas être pris en même temps qu’un traitement par macrolides ou à marge thérapeutique étroite sous peine de modifier l’action du médicament.

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